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JO 2024 : il faut sauver les jardins ouvriers d’Aubervilliers

Un collectif de défense des jardins ouvriers des Vertus, à Aubervilliers, appel à mettre fin à un urbanisme qui détruit les communs populaires pour construire un bassin olympique

Le mardi 7 décembre 2021, les travaux de construction de la piscine olympique d’Aubervilliers ont commencé. Foreuses, palissades métalliques, pelleteuse.

Ils DIRONT qu’il était temps de s’y mettre pour que les bassins soient prêts pour entraîner les athlètes des JO de Paris en 2024.

Le contrat initial entre la municipalité et l’entreprise Spie-Batignolles prévoyait de commencer le chantier en décembre 2020 afin de mettre en service le « centre aquatique » en juin 2023. L’occupation entre mai et septembre dernier des jardins ouvriers des Vertus pour en empêcher la destruction, les centaines de personnes venues manifester et les recours juridiques contre le permis de construire et le plan local d’urbanisme ont retardé le chantier de près d’un an. Le compte à rebours était donc plus qu’enclenché.

Nous DISONS qu’il est toujours trop tôt pour bétonner 4000 m2 de terres, ces espaces vivants où une infinité de graines de plantes vivaces hibernent l’hiver avant de jaillir en surface au printemps.

Les lombrics, mille-pattes, cloportes, iules, limaces, pince-oreilles et collemboles s’y nourrissent en permanence, à l’abri de la lumière. Leur activité digestive rend l’humus plus fécond chaque seconde. Les sols sont des écosystèmes de vie qui ne peuvent survivre ni au bétonnage, ni à la découpe en tranches à poser sur le toit d’un solarium, ni au déplacement vers d’autres parcelles. Vingt-deux espèces d’oiseaux protégées ont été recensées sur les 70.000 m2 des jardins des Vertus et des jardins familiaux de Pantin.

Ils DIRONT que même s’il est trop tard pour que la piscine soit prête pour les JO en 2024, c’est une piscine « du territoire », et qu’elle est nécessaire aux enfants de la Seine-Saint-Denis, qui ne bénéficient pas d’assez de bassins pour apprendre à nager.

Qu’il est temps que les jeunes des classes populaires puissent eux aussi apprivoiser l’eau et ainsi se protéger du risque de noyade dans le canal Saint-Denis quand il fait trop chaud pour supporter l’air ambiant, ou dans la mer, quand ils peuvent s’y rendre.

Nous DISONS que cet apprentissage est indispensable et qu’il nécessite la création de beaucoup plus de postes de maîtres-nageurs municipaux et de profs d’EPS que ce que nous voyons tous les jours dans nos villes du 93.

Nageuses et nageurs, nous attendons avec impatience la création de nouvelles lignes de natation. Mais nous refusons qu’elles se construisent en détruisant les parcelles historiques des jardins ouvriers des Vertus. Car nous savons qu’il y a suffisamment de place pour bâtir cet équipement sur les sols déjà bétonnés d’Aubervilliers, la ville la plus artificialisée du département avec 1,42 m2 d’espaces verts par habitant — nous tenons nos études à disposition des décideurs qui prendront la peine de les consulter.

Ils DIRONT que même si les JO ne financent plus la piscine d’Aubervilliers — les privant de 10 millions sur un total de 34 millions d’euros pour ce giga équipement — ils trouveront de quoi la payer, et qu’il faudra peut-être prévoir un équipement plus modeste et moins coûteux.

Nous DISONS à nos camarades élus de gauche en Seine-Saint-Denis que cela laisse ouverte la possibilité de revoir le permis de construire de la piscine afin qu’elle ne détruise pas 20 parcelles potagères.

Que rien ne les oblige à appliquer un urbanisme de droite, effaçant des communs populaires au profit du commerce privé. Et qu’ils peuvent encore préserver les jardins ouvriers cultivés depuis près d’un siècle.

Aujourd’hui les experts scientifiques du GIEC et de l’UICN s’accordent pour dire que la protection du vivant ne souffre aucune dérogation face à l’urgence écologique. Les responsables politiques doivent relever le défi exaltant d’un urbanisme qui « renature » la terre pour bâtir un projet social et solidaire fidèle aux convictions de la gauche qui nous portent.

Au pied des tours de logements sociaux, les jardins des Vertus et les jardins familiaux de Pantin offrent nourriture pas cher, fraîcheur en temps de canicule, et espaces de liberté aux habitants qui les cultivent. En face de la cité des Courtillières — ainsi nommée en mémoire des courtilles, ces jardins attenant à des fermes, qui se trouvaient là il n’y a pas si longtemps — ils ont traversé le temps et résisté à l’urbanisation.

Quand les fins de mois sont difficiles à boucler, les conserves de haricots frais et les sauces tomate rendent leur quotidien meilleur. Dans les moments pénibles de la vie, ou quand la pandémie restreint durement les déplacements, aller jardiner permet de se revigorer, de voir le ciel, de retrouver des visages connus, de s’occuper, de prendre soin de soi et de cultiver sa dignité face aux difficultés.

Ils DIRONT que l’espoir fait vivre.

Nous DISONS que nous sommes la nature qui se défend.

Signatures

Chloé Damiron, Antoine Deloison, Bruno Do Nascimento, Sylvain Escoda, Ivan Fouquet, Viviane Griveau-Genest, Jérémy Jeannin, Manuela Laurence, Sarah Lazemi, Ariane Leblanc, Jade Lindgaard, Ziad Maalouf, Dolorès Mijatovic, Sylvie Napolitano, Flaminia Paddeu, Anne Paq, Aline Pires, Manuel Ulloa Colonia, en soutien au collectif de défense des jardins des Vertus. Tou·te·s habitant·e·s d’Aubervilliers et des communes qui l’entourent

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