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Dans le miroir de la “petite école” zapatiste : la guerre contre la subsistance, hier et aujourd’hui

Jean Robert croise l’expérience de la petite école zapatiste et certains aspects de la pensée d’Illich, notamment autour de la notion de “guerre contre la subsistance”, comme dispositif contre les capacités d’autonomie populaire

Nous publions ici l’introduction et la première partie de ce long et passionnant article à paraître dans une anthologie de textes de Jean Robert. Celui-ci peut être téléchargé dans son intégralité au format PDF.

Jean Robert

Durant l’automne de 2013, l’essayiste public que je prétends être a dû faire face à deux tâches hétérogènes entre lesquelles j’ai eu l’intuition de convergences à explorer, mais aussi la certitude immédiate d’incompatibilités. Ce furent, d’une part, la rédaction d’un essai et la traduction française de textes d’un collègue mexicain sur la « petite école » zapatiste qui eut lieu en août 20131 et, d’autre part, l’élaboration de l’article que le lecteur a sous les yeux.

La première de ces tâches consistait à mettre au net, d’abord en espagnol, puis en français, les souvenirs des jours passés au Chiapas à étudier, sous la conduite de paysans et paysannes indigènes, l’expérience zapatiste de construction d’un monde de liberté et de justice concrètes, c’est-à-dire proportionnées aux communautés qui les pratiquent. La seconde : la rédaction du présent article sur un homme — un penseur, un historien, un philosophe et un théologien qui se défendait de l’être — qui m’honora de son amitié du début des années 1970 à sa mort, en 2002 : Ivan Illich. Quel rapport y a-t-il entre ce qui en 2002 était encore un mouvement insurgé indigène et ce penseur « radical au vrai sens du mot » ? Grâce à Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini2, j’ai trouvé une expression pour le dire : la modération radicale. Ce que je qualifie ainsi est un certain sens de la juste mesure et de la modération, la « paridad » entre la femme et l’homme et l’équilibre pour les Zapatistes, la proportionnalité pour Ivan Illich.

Ceci dit, peu de Zapatistes ont lu Illich — ils m’ont toutefois invité à parler de lui dans leur « université de la terre » de San Cristobal — et Illich recevait avec un certain scepticisme les nouvelles que lui donnait d’eux Gustavo Esteva, alors conseiller de l’EZLN, le bras militaire de leur mouvement.

Ivan Illich s’est éteint à Brême le 2 décembre 2002. La reconstruction des communautés mayas zapatistes du Chiapas, selon des critères hérités d’une culture millénaire pratiquée dans la clandestinité durant cinq siècles et repensée sans être trahie, débuta en 20033.

Illich a donc connu la gageure zapatiste consistant à défier avec des fusils à crosse de bois et des outils agraires un État équipé d’armes américaines en surnombre et d’avions de chasse suisses. Il a subi le choc de la féroce répression de dix jours ordonnée par Carlos Salinas de Gortari, le président « néo-libéral » d’alors. Puis il a suivi, par les rapports d’Esteva, le début des négociations imposées par la société civile. L’historien qu’il était s’interdit les enthousiasmes prématurés — tout comme d’ailleurs, à l’époque, l’auteur de ces lignes. Il ne savait que trop qu’au cours des cinq derniers siècles, l’État-Nation et le Marché, toujours, d’une certaine manière, à l’état naissant et renaissant, n’ont cessé de réprimer des rébellions paysannes souvent fondées en justice. Il était lui-même un admirateur de l’ouvrage que le philosophe allemand Ernst Bloch consacra à Thomas Müntzer, le théologien hébraïsant et hellénisant contemporain de Martin Luther, qui prit la tête de la révolte des paysans anabaptistes contre les princes allemands au temps de la réforme luthérienne. Les princes vainquirent ce mouvement et firent décapiter Müntzer. Depuis cinq siècles, dans le Vieux Monde comme dans le Nouveau, (presque) toutes les rébellions paysannes ont fini par être écrasées.

Pour Illich, ces accès de violence étatique extrême n’étaient que l’aspect le plus visible de la guerre que, dès leur cristallisation pratiquement simultanée à l’époque de l’invention puis de l’invasion de l’Amérique4, l’État-Nation et le Marché ne cessèrent de mener contre la subsistance des gens communs. Au Mexique même, de telles répressions ponctuent toute l’histoire du pays, l’une des dernières en date et l’une des plus sanguinaires étant celle du peuple Yaqui dans l’État de Sonora5.

Avant tout fait d’armes, Illich voyait à l’œuvre, dans la guerre contre la subsistance, une mainmise progressive sur tous ses éléments matériels (terre, eau, bois, sous-sol) et culturels (savoir-faire et clauses du droit des gens défendant le plus faible) et leur destruction afin de fomenter de nouvelles dépendances envers les valeurs (marchandises et services) offertes par le Marché et l’État. C’est ainsi, par exemple que, dès la fin du moyen âge, les seigneurs qui avaient fait construire des moulins à eau ou à vent réquisitionnèrent dans les maisons rurales les meules à main qui avaient jusque là permis aux paysans de moudre eux-mêmes leur froment pour les obliger à avoir recours aux services des meuniers. La cour de certains manoirs est pavée de ces meules de pierre désaffectées. Illich qualifia de disvaleur6 cette désaffectation ou dévalorisation, cette mise hors jeu d’outils, de capacités et de jurisprudences qui rendaient les gens indépendants des normes de l’État et des valeurs du Marché. Actuellement, au Mexique, les pouvoirs associés de l’État et du Marché soumettent les paysans cultivateurs de milpas — champs de maïs arrosés par les pluies saisonnières — à un processus de disvaleur plus violent que celui que les seigneurs médiévaux déclenchèrent en Europe. Il ne s’agit pas moins que de se défaire des centaines de variétés de maïs local, dit « créole », en rendant obligatoires certaines semences, en interdisant les échanges de graines entre cultivateurs7 et, — il en existe de nombreuses preuves — en polluant les espèces locales, dont les paysans indigènes sont les gardiens historiques, au moyen de pollen de maïs manipulé génétiquement. Les paysans indigènes sont actuellement à la tête de la résistance à la pollution génétique du maïs.

Un autre concept critique que nous a légué Illich est celui de travail fantôme, défini comme l’ombre improductive et non rétribuée du travail salarié sous toutes ses formes. Dans la mesure où celui-ci prétend accroître son hégémonie sur toute activité productive, son ombre de travail fantôme s’allonge. C’est, par exemple, le temps de plus en plus long pris par les migrations alternantes entre le domicile et le lieu de travail des salariés ou l’allongement des déplacements vers les supermarchés au rythme des regroupements des commerces en centres commerciaux de plus en plus concentrationnaires qui vident les rues des quartiers populaires de leurs échoppes et magasins traditionnels. Par leur défense d’un mode de subsistance ancestral repensé et « refonctionnalisé », les Zapatistes sont des résistants au travail fantôme.

La réflexion d’Illich débouche sur une critique du magma contradictoire de raison et de déraison que l’on évoque par le mot de « modernité ». Pour leur part, les Zapatistes proviennent d’une tradition qui a subi les ressacs de la modernisation sans en partager les illusions. Ce sont, au Mexique, les plus indemnes de contamination tant par les slogans modernes que par le pollen transgénique, ce qui, il y a peu de temps encore, se sanctionnait par les mots « retardataires » ou « sous-développés ».

Ce qui suit n’est pas un panégyrique de l’ami et de l’auteur Ivan Illich. Une tentative, plutôt que de le remettre sous le projecteur, d’éclairer de sa lumière une réalité de laquelle, il y a onze ans, il s’est physiquement retiré. Ou devons-nous parler de reflets illichiens dans la compréhension du monde d’un homme ému par l’expérience zapatiste ?

Peinture zapatiste

La guerre contre la subsistance

Pour une histoire raisonnée des pertes

Selon Illich donc, toute l’époque moderne est une guerre contre la subsistance. C’est une guerre contre les peuples, contre « les gens d’en bas », pour les empêcher de subsister sans suivre les instructions de l’État et sans dépendre de marchandises achetées sur le Marché. La modernisation — selon une définition radicale du terme sans prétention à l’unicité —, c’est-à-dire l’acte de rendre moderne, est un projet de transformation des peuples qui dépossède les pauvres de leurs habiletés innées et rend les riches plus riches. Ivan Illich qualifiait de disvaleur ce dépouillement progressif des peuples de leurs propres capacités et ce transfert de privilèges sur des individus avides de s’enrichir8. La disvaleur est l’ombre négative de la valeur. C’est la paralysie de capacités autonomes rendant les gens dépendants de marchandises et de services hétéronomes, c’est-à-dire de valeurs produites par des instances extérieures, autres, lointaines et souvent anonymes.

A partir des expropriations violentes du temps de l’accumulation primitive — depuis le XVe siècle en Europe — la disvaleur fut l’état zéro de toute accumulation : la destruction originale de capacités qui permit d’amorcer la spirale des besoins créés destructeurs d’aptitudes innées et de la génération de nouvelles dépendances. En ce sens, la disvaleur est un processus lent et progressif de destruction d’autonomie. On peut dire aussi qu’il provoque l’érosion de cette qualité, différente du pouvoir, que le philosophe Spinoza (1632-1677) appelait potentia, puissance, qui est disponibilité inaliénable de faire ou de ne pas faire, autonomie à l’état naissant.

La lente modernisation des peuples et l’affaiblissement parallèle de leur autonomie ont divisé le monde entre un nord riche et un sud pauvre et en partie misérable, un clivage qui se reproduit dans chaque camp, le nord ayant son propre « sud » et le sud son « nord » scandaleusement riche. Ces deux camps opposés ont une caractéristique en commun : l’érosion de leur autonomie et leur dépendance d’injections croissantes de disvaleur, ce qui signifie que de nouvelles inégalités se substituent sans cesse aux anciennes hiérarchies. Non sans rigueur, les deux auteurs d’un pamphlet qui circula en France9 formalisèrent ainsi la corrélation entre dépendance croissante à l’égard du marché et perte d’autonomie : à plus de gavage marchand, moins d’autonomie. Cette dépendance est le symptôme d’un syndrome d’immunodéficience culturelle acquise10. Corrélativement à cette perte d’autonomie, la modernisation s’accompagne d’un processus de polarisation sociale, c’est-à-dire d’une augmentation constante de la brèche entre les riches et les pauvres, ceux d’« en haut » et ceux d’« en bas », comme le dit en mots simples, le Sous-commandant zapatiste Marcos. Et plus riches et pauvres deviennent dépendants du marché, plus s’intensifie la polarisation de leurs conditions respectives, comme pour camoufler leur misère commune.

Cette vision hypercritique n’est pas, bien entendu, celle des livres d’histoire officiels, dans lesquels la modernité est décrite comme une conquête ininterrompue de nouveaux droits et libertés, de découvertes de tous genres et de richesse matérielle croissante. L’histoire officielle est une épopée de victoires sur les « entraves » des traditions, les « retards » du passé et le “sous-développement” des formes d’organisation économique et politique héritées. L’histoire officielle est une narration rétrodictive des triomphes de l’État et du Marché. Elle est rétrodictive parce que, posant la situation actuelle comme point de confluence de toutes les mouvances de l’histoire, elle examine, comme dans un rétroviseur, les apports de chaque époque à la situation moderne, négligeant non seulement les pertes, mais aussi les formations qui, sans conduire à la situation moderne, incarnèrent l’esprit d’autres époques. L’histoire officielle est une histoire totalisante du développement de tout ce qui, aujourd’hui, est considéré comme bon : l’Éducation, la Santé, le Progrès, les Communications (…), le Marché-monde, le Développement et, bien entendu, la Valeur. L’histoire officielle se présente comme une histoire du développement de formes de gains et d’accumulations de pouvoir dans l’unique registre qui compte pour elle, celui de la valeur, critère d’évaluation de tout gain et de tout progrès.

Cette histoire est aveugle aux pertes que les peuples peuvent avoir souffertes au cours des cinq derniers siècles. Par exemple, il existe quelques travaux d’« historiens des pertes » qui documentent la contraction du vocabulaire des goûts, des odeurs et des sensations tactiles dans les principales langues européennes au cours du dernier demi millénaire. « Le vieil allemand possédait trois fois plus de termes que l’allemand moderne pour désigner les odeurs agréables. À mon sens, le monopole croissant de la dimensionnalité cartésienne au détriment de la perception sensuelle de l’espace a affaibli sinon éteint le sens de l’aura »11.

Ces pertes témoignent d’un appauvrissement progressif des perceptions, une perte majeure, peu documentée par les historiens12. Les chapitres que l’histoire officielle consacre au développement des idées sont riches et détaillés, mais ceux qui traitent de l’histoire des perceptions ou de l’histoire du corps perçu, qui en est un des chapitres, sont pratiquement vides13.

Les pertes les plus graves enregistrées au cours des cinq derniers siècles concernent les formes traditionnelles de subsistance ancrées dans la culture matérielle de chaque société. Ici, la perte des termes permettant de concevoir la perte fait partie de cette perte. Quand disparaissent les termes différenciés qui distinguaient les odeurs et les saveurs, il devient difficile de documenter l’affaiblissement des perceptions correspondantes et quand le langage des économistes eut relégué aux limbes du sous-développement les termes qui permettaient de dire les diverses manières qu’avaient les peuples de se sustenter, comment parler de la subsistance comme d’une modalité de la culture matérielle, radicalement différente de tout ce que désigne aujourd’hui le mot économie ? Il ne s’agit nullement d’abolir complètement le récit des gains et développements de l’histoire officielle. Le traitement de la carie dentaire ou de la presbytie — pour ne pas parler des toilettes intérieures aux maisons — sont des acquis auxquels les gens de mon âge ne renonceraient pas facilement, mais il faudrait les réintégrer comme correctifs à une histoire qui ne s’aveuglât pas aux pertes de vivacité de la perception du monde et de la présence charnelle au monde. Les siècles de la modernisation, que Karl Polanyi qualifia de « grande transformation 14 » furent pour Illich, lecteur attentif de son œuvre, une époque de guerre impitoyable du Marché et de l’État naissant à la subsistance des gens d’« en bas ». Il faut méditer sur cette affirmation.

Chronologie sommaire du zapatisme

L’invasion européenne du pays actuellement appelé Mexique débuta en 1521. Elle fut progressive et laissa longtemps certaines régions montagneuses ou reculées indemnes. Les indigènes qui se soumirent et « s’assimilèrent » — jamais totalement — formèrent la base de ce que l’on appelle la société métisse. Selon l’anthropologue Guillermo Bonfil Batalla, sous le vernis d’européanité de cette société subsiste ce qu’il appelle un Mexique profond, manifeste dans les perceptions intimes du corps, des éléments, de la temporalité, des liens entre la femme et l’homme, la campagne et la ville, ainsi que dans des capacités d’auto-organisation notoires. Voir Guillermo Bonfil Batalla, El México profundo, una civilización negada, Mexico, Secretaría de Educación Pública/Centro de Investigaciones y Estudios Superiores, 2000 (1987) [Mexique profond : une civilisation niée, Bruxelles : Zones Sensibles, 2017], ce Mexique profond, riche en éléments d’une cosmovision indigène « refonctionnalisée », selon Alfredo Lopez Austin, Cuerpo humano e ideología, Mexico, UNAM, 1984, 2 volumes, est toujours sous-jacent au « Mexique imaginaire » imposé d’en haut et, lors de crises, resurgit à ses fissures de façons surprenantes et souvent salvatrices.

Dix pour cent environ des mexicains restèrent fidèles à leurs langues, leurs cultures centrées sur le maïs, leurs costumes et leurs formes d’organisation, pratiquées le plus souvent dans la clandestinité. En 1983 se fonda, à partir des ethnies mayas, une « armée zapatiste de libération nationale » (EZLN) qui se maintint secrète durant dix ans et, dans un coup de théâtre inattendu, prit possession de cinq chefs-lieux de l’État du Chiapas le 1er janvier 1994, alors que le « Mexique d’en haut » fêtait l’entrée en vigueur de l’ALENA (traité de libre-échange de l’Amérique du Nord) et son admission à l’OCDE. Après une répression meurtrière, la société civile imposa un cessez-le-feu et débuta alors l’époque des « Dialogues dans la Cathédrale » (de San Cristobal de las Casas, capitale historique du Chiapas) censés aboutir à une réforme constitutionnelle donnant leur place aux communautés indigènes et à leurs formes d’organisation. Au lieu de cela, le gouvernement finit par élaborer un projet de loi faisant des sujets indigènes, non des communautés concitoyennes et interlocutrices, mais des objets individuels d’assistance publique. Les termes que j’ai choisis indiquent, sans en dire plus, que la base du conflit ou malentendu entre les négociateurs indigènes et gouvernementaux fut le concept de sujet politique, la communauté pour les indigènes, l’individu réputé souverain pour le gouvernement et le Mexique imaginaire d’« en haut ». En 2003, constatant perdu tout espoir qu’une réforme constitutionnelle leur donnant leur place dans la nation voie le jour, les zapatistes décidèrent de façonner eux-mêmes leur autonomie politique, insistant sur le fait que jamais ils ne cherchèrent et jamais ne chercheront à se séparer du Mexique. La crainte gouvernementale que le zapatisme constitue une menace de « balkanisation » du pays est donc elle-même parfaitement imaginaire.

Du 13 au 16 août 2013, considérant que, dans la profonde crise économique, politique et culturelle qu’il traverse, le pays pourrait bénéficier de leur expérience d’auto-organisation, les zapatistes invitèrent 1700 étudiants de tous âges et conditions au premier degré de ce qu’ils appellent « la escuelita », la petite école, dans laquelle 1700 professeurs, femmes et hommes, qualifié(e)s de votanes les initièrent à leurs principes de reconstruction sociale, politique et culturelle depuis les bases de leur culture matérielle et sans assistance gouvernementale. Ils réitérèrent leur invitation pour un nombre accru d’invités en décembre 2013 et janvier 2014. Voir Jean Robert, « Qui sont vraiment des zapatistes ? », article cité, ainsi que Gustavo Esteva, traduit par Jean Robert, « La rencontre de la mémoire et de l’avenir », encore inédit en français.

Samedi et dimanche 17 et 18 août eut lieu, dans le grand auditorium — plus de mille places — de l’Université de la Terre de San Cristobal, que les zapatistes reconnaissent comme leur, une assemblée générale du Congreso Nacional Indígena fondé par des membres des communautés originaires à l’instigation de personnalités telles que le militant indigène Juan Chavez, récemment décédé dans un accident et la Comandanta Ramona de l’EZLN, également décédée. Cette assemblée, qui réunit des centaines d’indigènes et de sympathisants autour des représentants de 82 organisations indigènes du Mexique, fut intitulée « Catedra Tata Juan Chavez » (tata étant un vocable de respect propre aux langues indigènes et évoquant une autorité paternelle). Voir commentaires de cette réunion dans le texte inédit de Gustavo Esteva pouvant être obtenu auprès de l’auteur, courriel Gustavoesteva@gmail.com. Voir aussi Gustavo Esteva, « Nuevas formas de revolución », publié par Unitierra (Université de la terre), Camino Viejo a San Juan Chamula s.n., Colonia Nueva Maravilla, CP 29247 San Cristobal de las Casas, Chiapas, Mexique.

  1. Jean Robert, « Qui sont vraiment les Zapatistes ? », L’Écologiste, automne 2013, p. 13-17. []
  2. Radicalité : 20 penseurs vraiment radicaux, Montreuil, L’échappée, 2013. Voir leur remarquable introduction, p. 7-27 et noter au passage la phrase : « La modération est la vertu des radicaux ». Au contraire des penseurs radicaux, les penseurs progressistes actuellement à la mode « sont en fait solidaires, qu’ils le veuillent ou non, d’un processus de modernisation qui sape concrètement et méthodiquement les bases possibles d’une vie digne d’être vécue, qui combinerait liberté individuelle, égalité des conditions matérielles, autonomie collective et relation apaisée au milieux naturels » (p. 18). []
  3. Voir la chronologie sommaire du zapatisme en bas de page. []
  4. Edmundo O’Gorman, La invención de América, México, Fondo de Cultura Económica, 1958. La cosmologie médiévale n’avait pas de place pour un nouveau continent entre l’Europe et l’Asie. Avant que l’Amérique ne pût être découverte, il fallut qu’elle fût inventée, ou plutôt que fut définie une géographie dans laquelle il y avait place pour elle. []
  5. Paco Ignacio Taibo II, Yaquis. Historia de una guerra popular y de un genocidio en México, Mexico, Planeta, 2013. []
  6. Voir Ivan Illich, « Alternatives to Economics : Towards a History of Waste », allocution pour The Eastern Economic Association Meeting, Human Economy Session, Boston, 11 mars 1988, traduction française : « Disvaleur », « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes, volume 2, Paris, Fayard, 2005, p. 773-786. L’ordure, le déchet révèle le véritable fondement de l’économie, qui est la disvaleur et qui a priorité historique et logique sur la valeur. Illich élabora ce concept en réponse à la théorie de ses amis japonais Yoshiro Tamanoy, Atsuchi Tsuchida et Takeshi Murota, « Towards an Entropic Theory of Economy and Ecology », in Économie appliquée, n° 37, 1984, 2, p. 279-294. []
  7. Verónica Villa, Evangelina Robles, José Godoy, Ramón Vera (eds.), El maíz no es una cosa, es un centro de origen, Mexico, Editorial Itaca, 2012. []
  8. Ivan Illich et David Cayley, La corruption du meilleur engendre le pire, entretiens enregistrés par David Cayley, Arles, Actes Sud, 2007, p. 54, de l’introduction de de Cayley : « Dans les années 1980, Illich diversifia le champ de ses intérêts. Avec Barbara Duden, il étudia l’histoire de corps. Se détachant du lexique des « valeurs » de ses écrits antérieurs, il adopta la notion simple du « bien » tel qu’il avait fini par le comprendre : ce qui est spécifiquement et incomparablement approprié dans un contexte donné. [… ]…les valeurs, à l’inverse, sont une monnaie universelle sans lieu propre ni limite inscrite, classant et comparant toutes choses selon leur utilité ou leur rareté relative […] ainsi les valeurs minent le sens de la juste proportion et y substituent un calcul économique ». []
  9. Majid Rahnema et Jean Robert, La Puissance des pauvres, Arles, Actes Sud, 2008. []
  10.  Majid Rahnema, « Development and the People’s Immune System : the Story of Another Variety of AIDS », Majid Rahnema et Victoria Bawtree (éds.), The Post-Development Reader, Londres, Dhaka, Halifax et Le Cap, Zed Books, University Press Ltd, Fernwood Publishing, David Philips, p. 111-131. []
  11. Ivan Illich, H2O les eaux de l’oubli, Œuvres complètes, volume 2, Paris, Fayard, 2005, p. 536, note 36. []
  12. À cet égard, l’héroïque effort de l’historien Alain Corbin pour décrire les mondes olfactifs d’époques passées est une exception honorable : Le miasme et la jonquille : l’odorat et l’imaginaire social aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Champs-Flammarion, 1982. Cette histoire de l’odorat évite de basculer dans une stricte séparation entre les élites et la base concernant la perception des odeurs et rapporte que quelques signes d’un abaissement du seuil de tolérance apparurent dans les milieux populaires. Elle tient compte toutefois du fait que la science se donna pour tâche de rééduquer les sens, contribuant ainsi au déclenchement d’une révolution olfactive « faisant de nous des êtres intolérants à tout ce qui rompt le silence olfactif de notre environnement ». Corbin rompt ainsi avec une science totalisante dont le discours grandiloquent et fermé magnifie les valeurs et façons de voir de ceux qui monopolisent le pouvoir. []
  13. À cet égard, l’héroïque effort de l’historien Alain Corbin pour décrire les mondes olfactifs d’époques passées est une exception honorable : Le miasme et la jonquille : l’odorat et l’imaginaire social aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Champs-Flammarion, 1982. []
  14. Karl Polanyi, The Great Transformation. The Political and Economic Origins of Our Time, Boston, Beacon Press, 1957 [1944]. En français : La Grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 [1944]. Dans sa préface à l’édition française, l’indianiste, philosophe et historien des idées économiques Louis Dumont définit l’essence de la « marche à la modernité » ou modernisation selon Polanyi : c’est un processus de « désincrustation » ou de « désencastrement » (en anglais : disembedding) qui permit l’émergence de sphères sociales séparées, « autonomisées » comme « l’Éducation », « la Religion », « la Politique », « la Science » ou « l’Économie », celle-ci étant la sphère dont l’émergence est le fil conducteur de tout le livre. []