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Pour une coopérative des terres d’Aubervilliers

Un appel lancé un 2020 par des habitant·e·s d’Aubervilliers: « Nous voulons faire du business de plants de sauge et fumer de la laitue vireuse. Nous voulons voir les étoiles la nuit, et sentir la terre sous nos pieds nue »

Nous sommes des urbain·e·s sans terre1Nous voulons poser la question des sols et de leur usage depuis la banlieue.

L’expérience du Covid et du confinement à Aubervilliers a révélé une fragilité d’une ampleur insoupçonnée chez les habitant·e·s de notre ville : dans les premières semaines du confinement, avec la fermeture des écoles (et donc des cantines scolaires), des associations d’aides alimentaires, mais aussi le ralentissement de l’activité des services sociaux, la perte brutale d’emplois sans indemnité ni chômage, beaucoup de familles se sont retrouvées dans l’incapacité de se nourrir dignement.   

A Paris et dans sa périphérie, les plus favorisé·e·s ont pu quitter la ville. Mais pour l’immense majorité des habitant·e·s d’Aubervilliers, le confinement fut total et brutal : coincé·e·s chez soi ou ses parents, dans des logements souvent sur-occupés. La même situation inégalitaire se produira à la prochaine épidémie, la prochaine canicule, le prochain épisode de pollution de l’air.     

Pas loin d’ici, le monde agricole subit une pression de plus en plus insupportable : modèle industriel insoutenable, surendettement, exposition aux engrais et pesticides toxiques, isolement dans des campagnes dépeuplées. D’ici dix ans, près de 300 000 agriculteur·ice·s vont partir en retraite. Environ 7 millions d’hectares de terres vont potentiellement devenir accessibles à d’autres usager·e·s2. Un peu partout en France, des collectifs s’engagent dans des “reprises de terres”3.    

Nous avons besoin de terres pour nous nourrir, pas pour y construire des logements spéculatifs et des bureaux qui resteront vides. Nous avons besoin d’arbres pour nous protéger des canicules, pour que les gamin·e·s en chapardent les fruits et que les oiseaux reviennent. Nous avons besoin de grands espaces sans flashball, sans contrôle au faciès et sans harcèlement policier. Nous voulons travailler sans y perdre notre santé et notre espérance de vie. Nous voulons apprendre à faire lever notre pain et à greffer des fruitiers. Nous avons envie de prairies pour jouer au foot. Nous voulons respirer sans asphyxier. Nous voulons des eaux naturelles, gratuites et ouvertes à tou·te·s pour nous baigner.

Nous voulons montrer ce que les habitant·e·s de nos quartiers savent faire à celles et ceux qui les imaginent incapables, assisté·e·s, violent·e·s, et ne les perçoivent que comme des dangers pour la société. Nous voulons faire du business de plants de sauge et fumer de la laitue vireuse. Nous voulons voir les étoiles la nuit, et sentir la terre sous nos pieds nue. Nous voulons des terres communes et libres d’accès pour plus de justice alimentaire, de joie de vivre et de liberté.    

Des habitant·e·s d’Aubervilliers    
Contact : terresdauber@riseup.net

  1. Nous empruntons cette expression à des ami·e·s du collectif des Lentillères à Dijon. []
  2. Voir à ce sujet : Pauline Chiron, Analyser et valoriser les démarches d’accès collectif et solidaire au foncier, Terre de liens (2019). []
  3. A ce propos : Prise de terre(s), écrit en 2019 par des habitant·e·s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes []