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Une invitation faite aux zapatistes

Invitation faite, par un collectif de Montreuil, à la délégation Zapatiste qui arrivera début juillet, à venir rencontrer des réalités de luttes de la banlieue parisienne

A la coordination parisienne et la coordination francophone
A l’organisation de la traversée pour la vie et aux délégué·e·s qui viendront en Europe
Aux zapatistes, au Congrès National Indigène et au Front des Peuples en Défense de la Terre et de l’Eau de Morelos, Puebla et Tlaxcala

Compas,

Depuis la banlieue Est de Paris, et plus précisément depuis la ville de Montreuil et ses alentours, nous voulons partager avec vous nos luttes et nos résistances locales qui sont celles d’une ville de banlieue encore populaire et marquée par la solidarité. Ici plus de 100 000 personnes et des dizaines de cultures, de langues, de religions différentes coexistent malgré les difficultés quotidiennes, la crise du travail, l’absence de reconnaissance, les difficultés à se loger, les violences policières, les violences sexistes, la restructuration urbaine et les hausses de loyer. C’est-à-dire tout ce qui fait le quotidien des habitants des banlieues populaires parisiennes.

Avant toute chose, nous voulons vous dire combien nous souhaitons vous rencontrer dans notre ville et partager avec vous les résistances et les mobilisations locales, comme celle pour ce premier mai du Collectif des Sans Papiers de Montreuil en mémoire d’un de leurs camarades. Bari Keita, « mort comme un soldat » comme l’exprimait l’un de ses amis, est décédé suite à un accident du travail le 18 avril dernier. Il vivait en France depuis plus de huit ans, et il travaillait dans la construction. Pourtant, il était toujours sans-papiers, et obligé de vivre dans un hangar squatté, dans une extrême précarité. Sa condition, sa vie, sa mort, sont celles de beaucoup, beaucoup de gens de nos banlieues qui ont quitté leur pays natal pour chercher à survivre et qui vivent ici de très peu, sans que leur existence soit légalement reconnue, à dormir à trois, quatre, six, huit personnes dans des chambres partagées, à chercher chaque jour comment s’en sortir, à travailler dans les métiers les plus durs, le jour et la nuit, dans le nettoyage, la construction, la cuisine, les grandes usines, et à économiser ce qu’il est possible pour l’envoyer au pays. Cela, c’est la réalité par exemple du collectif des sans-papiers de Montreuil que nous soutenons dans ses mobilisations, et celles de gens que vous rencontrerez sûrement si vous venez jusqu’à nous.

Nous vous écrivons cette lettre suite à une assemblée locale, qui s’est réunie dans un des différents lieux qui sont occupés et « récupérés » dans la ville. C’est une usine abandonnée qui a été occupée en septembre dernier pour servir de lieu d’habitation et d’activités collectives. Elle peut servir pour y tenir des réunions et pourrait accueillir la délégation zapatiste … si le bâtiment n’est pas expulsé d’ici là par la police ! C’est une partie de nos résistances : occuper et récupérer les bâtiments vides pour pouvoir se loger dans une ville de plus en plus chère, et pouvoir avoir des espaces où organiser des activités collectives. Devoir défendre les bâtiments, être menacé.es par les mafias immobilières et la police, se retrouver en procès, être expulsé.es par des dizaines ou des centaines de policiers, improviser des campements dans la rue … cela, c’est une part importante des mobilisations locales dans notre ville.

A Montreuil, nous sommes en effet particulièrement touché.es par les plans capitalistes de restructuration urbaine. Il y a longtemps, cette banlieue était agricole, on y cultivait surtout des pêches selon une technique particulière de récupération de la chaleur. Quand vous viendrez, vous serez sûrement amené.es à dormir ou à faire des activités dans le quartier des « murs à pêches », dernier vestige de cette époque. C’est le seul quartier de notre ville qui n’a pas encore été totalement urbanisé, car il est défendu et investi par de nombreux habitantes, habitants et associations de quartier.

Et puis au 19e et au 20e siècle ces jardins de pêche ont été considérablement réduits et beaucoup d’usines ont été construites, des petites et des très grandes, qui ont pollué toutes les terres agricoles et qui nécessitaient beaucoup de main d’œuvre. C’est pourquoi il y a beaucoup de foyers de migrants et de logements sociaux dans notre ville, parce qu’il fallait loger les ouvriers et les travailleurs immigrés.

Aujourd’hui, ces usines sont abandonnées parce qu’elles sont trop vieilles et les capitalistes en ont construites d’autres ailleurs en France ou dans d’autres pays. A la place, les promoteurs immobiliers ne cessent de mettre en place des grands chantiers, mais cette fois pour construire des bureaux ou loger des gens plus riches pour se faire plus de profit. Beaucoup d’associations se battent contre cela aujourd’hui, mais comme chez vous, les mairies et les partis politiques, même de « gauche », qui gouvernent nos villes divisent les gens, en promettant des logements sociaux et des subventions pour démobiliser.

Malgré cela, il y a beaucoup de vie culturelle et d’entraide, indépendamment des politiciens et des partis, et c’est une partie de ces gens-là qui s’organise aujourd’hui pour vous accueillir et vous rencontrer. Des personnes actives dans des lieux collectifs et alternatifs de Montreuil comme la « Parole Errante », l’AERI, la « Maison Ouverte », les Lez’arts dans les murs … D’autres impliquées dans des collectifs qui se sont formés ces dernières années, comme les gilets jaunes de Montreuil, Extinction-Rébellion (mouvement écologiste), ou qui se sont créés pour organiser la solidarité alimentaire, notamment pendant la pandémie (mais aussi avant comme la Cantine syrienne): les Brigades de solidarité populaire Montreuil-Bagnolet, les Maraudes du haut-Montreuil, Quartier d’orange, Récolte urbaine et bien d’autres … Des habitants qui se mobilisent dans leurs quartiers ou entre femmes, comme la maison des femmes, l’Association des femmes maliennes de Montreuil ou le collectif des mères isolées… C’est notre diversité que, si vous venez nous visiter, nous vous proposons de rencontrer !

PROPOSITIONS DE RENCONTRES SUR MONTREUIL

Concrètement, vous êtes invité·es par l’assemblée d’accueil des zapatistes à Montreuil qui s’est formée ces derniers mois, qui s’organise en lien avec la coordination d’accueil des zapatistes en région parisienne.

Nous vous invitons à venir nous rendre visite durant une semaine, ou à différents moments (mais plutôt la première quinzaine de juillet ou à partir de septembre prochain, car bien qu’il y aura des possibilités de logement, nous serons moins sur la ville entre mi-juillet et début septembre).