Théâtre de l’Echangeur, le 14 mai de 10h à 22h.
Nous partons du constat de l’implosion des institutions assistantielles et de soin, dont celles de la psychiatrie, sous les coups de butoir des politiques néolibérales et leur insidieuse destruction des solidarités.
Or la résistance contre la dévastation des services publics ne saurait nous dédouaner d’une indispensable remise en perspective des manières de prendre soin des vulnérabilités dans ce contexte d’atomisation et de brutale précarisation. Qu’en est-il de la place des « usagers » dans les institutions, des formes collectives d’autonomie indissociables d’une culture des interdépendances et des formes d’entraide ? Comment sortir de la réification de la « clinique » justifiant l’asymétrie entre les soignants et les « soignés » ? Comment désenclaver les gestes de soin des cadres institutionnels lorsque ceux-ci se fondent sur une phobie du « dehors » de l’institution?
A la suite de plusieurs mois de rencontres, en France comme en Belgique, dans le cadre d’un des « chantiers » des Communaux, nous proposons une journée de présentation d’expériences et de réflexions qui tentent de réinventer des manières de prendre soin de la vulnérabilité. En altérant les institutions. Aux frontières de celles-ci. Parfois contre elles. Nous nous intéresserons particulièrement à la création de rapports entre des lieux et des dispositifs disparates, aux passages entre ceux-ci permettant des agencements entre des hétérogénéités. Et par là, des nouvelles processualisations de l’expérience de la souffrance. Nous voudrions enfin envisager les conséquences d’une dé-spécialisation des pratiques soignantes permettant l’émergence de formes de communautés qui ne peuvent exister que dans la rencontre entre des formes de vie hétérogènes.
A 10h:
Josep Rafanell i Orra et Valentin Schaepelynck partageront leurs réflexions autour de l’institution et des processus instituants, des contre-institutions et la désinstitutionnalisation. Comment hériter des institutions pastorales et de leur négativité historique? Comment situer le soin dans des régions d’expérience qui supposent des formes de co-individuation? Comment sortir en somme de l’auto-référentialité à laquelle conduisent souvent les savoirs psy se traduisant par des formes de pouvoir naturalisées?
Nous poursuivrons la journée avec la présentation de quelques expériences singulières.
De 11h à 13h:
– Des professionnels et des usagers de La Trame, nous feront partager leur expérience. Créée en 2017 et située à Saint-Denis, La Trame est un lieu d’accueil, d’orientation et de soutien dans la communauté destiné à des personnes en souffrance psychique. Elle facilite des pratiques en réseau en s’appuyant sur des ressources inscrites dans un territoire concret et s’appuie sur les dynamiques d’entraide entre pairs. La Trame participe aussi à la lutte contre la stigmatisation des personnes concernées par la souffrance psychique. Il s’agit aussi de faire vivre une dynamique de recherche-action permanente sur les liens entre psychiatrie et champ social au travers d’ateliers collectifs, d’interventions extérieures et d’une émission de radio. Il sera question aussi de l’expérience de Javiera Hiault-Eheverria, artiste plasticienne, qui fabrique avec les personnes concernées des cartographies expérientielles.
– Roxane Gabet évoquera l’expérience du Réseau français sur l’entente de voix (REV), dispositif qui promeut une désassignation aux catégories psychopathologiques et aux surcodages par la psychiatrie des expériences de souffrance. Nous reviendrons avec elle sur l’instauration d’un groupe d’entendeurs de voix, singulier en ce qu’il a été formé sur Zoom à la suite de l’irruption de la pandémie. A partir de récits d’enquête, elle nous proposera une généalogie de cette expérience, depuis l’entrée des voix dans la psychiatrie jusqu’aux formes diverses du dispositif du groupe de parole entre pairs aujourd’hui, et des effets que cela peut produire.
De 13h et 14h:
Nous nous retrouverons dans le bar de l’Echangeur pour partager un repas.
De 14h à 16h:
– Maeva Musso et Jurl nous parleront de l’association Underground psychiatry. L’association U_P est constituée par des personnes d’horizons différents, professionnels, et non-professionnels, usagers et ex-usagers. Elle promeut le dispositif de soin Open Dialogue en France et des pratiques de soin communautaire en lien avec des expériences artistiques. Nous nous attarderons particulièrement sur les pratiques de prescription médicamenteuse et l’expertise des usagers. Il y sera question aussi de la fabrication d’un film avec ceux-ci en période de confinement. En somme, nous nous intéresserons aux manières de susciter des liens de co-concernement entre des soignants et l’environnement proche des personnes en souffrance.
– Eleni Alevanti et Frédérik Galbrun évoqueront leur travail au sein d’une équipe mobile « psychiatrique » dans le milieu de la précarité qui intervient à Bruxelles auprès de personnes sans logis ou mal logées. Ils aborderont la question de la démédicalisation du soin, surtout dans un contexte de rue et par conséquent sur la compréhension de ce que signifie une psychiatrie qui se déploie hors de ses murs, soit les paradoxes des réformes de désinstitutionalisation. A partir d’une grille de lecture de savoirs expérientiels qui orientent leur travail quotidien, les intervenants espèrent nourrir les échanges en s’appuyant sur des récits de terrain, des histoires de vie, des témoignages parlants pour penser comment « prendre soin » autrement.
Nous compterons avec la présence d’intervenantes de la protection de l’enfance qui s’intéressent aux pratiques appelées les Conférences familiales attachées à mobiliser l’entourage des familles en difficulté pour co-élaborer des stratégies de soin. Ceci suppose un décloisonnement des univers de la psychiatrie, médico-sociaux et assistantiels. Mais aussi de lutter contre la hiérarchisation dans les rapports entre des statuts professionnels. Des collectifs d’usagers, associations, lieux de soin et de pratiques artistiques, de réappropriation de nos rapports aux terres urbaines, d’hospitalité avec les migrants, d’entraide, de solidarité et de luttes participeront aussi à nos échanges.
Nous nous attarderons sur quelques éléments essentiels des univers de la psychiatrie: les pratiques de prescription de psychotropes, l’accueil des situations de crise, la nécessité de lieux d’hospitalité et de « répit », les fabriques de rapports et des passages entre le dedans et le dehors des institutions.
A 17h30:
Avec Isabelle Stengers, nous tenterons de composer des articulations et des transversales entre des pratiques hétérogènes dans la perspective de nous projeter dans de nouvelles enquêtes, rencontres et de consolider des liens et des formes de réciprocité. Il s’agira de penser, dans le cadre des expériences que nous aurons partagées, ce qu’Isabelle Stengers appelle des dispositifs génératifs en contraste, et contre, les dispositifs de contrôle.
A 20h30:
Il sera proposé, à celles et ceux qui le souhaitent, d’assister au spectacle de la metteuse en scène Juliette Kempf, Lettres vives, accueilli par le théâtre de L’Échangeur. Il s’agit d’un travail de création à partir des archives de l’asile de San Girolamo, en Italie, exhumées après 1996, vingt ans après les lois de la désinstitutionnalisation promue par Franco et Franca Basaglia.
Ces différents moments seront l’occasion de fabriquer un certain nombre de problèmes communs qui entreront en résonance avec d’autres expérimentations, ailleurs. Cette journée se veut le début d’une série de rencontres, à partir d’un travail d’enquête permanent, qui devraient avoir lieu une fois par an.
Nous nous retrouverons, le 7 septembre, à La Bellone, à Bruxelles lors d’une journée organisée par Camille Louis, Emmanuelle Nizou et Josep Rafanell i Orra, avec la participation d’intervenants de L’Autre Lieu, Parélie, La Trame, Undrground psychiatrie et une constellation d’autres expériences et recherches.
Nous nous retrouverons au Théâtre de L’Echangeur (à Bagnolet), le samedi 14 mai de 10h à 19h30. C’est accessible en métro, bus ou tramway : de plus amples informations pratiques disponibles sur le site du Théâtre.
Nous vous prions, en raison de la jauge de présence imposée aux lieux culturels publics pour cause de Covid-19, de nous faire savoir votre présence par retour de mail.