Le collectif des P’tits Déjs Solidaires est présent quotidiennement depuis bientôt cinq ans dans les rues des quartiers de Stalingrad/Flandres et La Chapelle, en différents lieux et avec de multiples configurations, progressivement réunies sous ses formes actuelles à la cour du Maroc, à l’entrée Aubervilliers/rue du département des Jardins d’Éole. Il sert un petit déjeuner à tous celles et ceux qui se rendent là, entre 8h et 10h environ, pour manger, se réchauffer, discuter, se renseigner, danser, dessiner, déconner et plus.
Les moyens sont simples, économes – tables de camping, thermos, caddies de supermarché, sacs de pain, et le soutien de riverains commerçant·e·s et habitant·e·s – mais ils permettent de distribuer et redistribuer des invendus en trop, des renseignements précieux, des vêtements chauds, des produits d’hygiènes essentiels dont les masques et de quoi se protéger et se soigner un minimum.
Le collectif est né du regroupement des « Cafés Solidaires » (organisés par l’association Quartiers Solidaires) et des « P’tits Déj à Flandres » créés dans le quartier de Stalingrad et de la Chapelle à la suite de la « crise de l’accueil » des personnes migrantes en France en 2015.
Depuis toujours, le quartier La Chapelle à Paris est un lieu de transit ou d’ancrage pour les personnes en migration, notamment en raison de sa proximité avec la Gare du Nord. Durant l’hiver 2015, un campement s’est constitué sous le métro La Chapelle. Son évacuation, au printemps 2015, a entraîné la constitution de plusieurs camps, en particulier sur l’esplanade Pajol et au jardin d’Éole. Ces campements ont été l’occasion d’expérimenter des formes de vie auto-gérées qui ont transformé les personnes impliquées (exilés, habitants et militants).
Depuis, les « mises à l’abri » successives des exilés, organisées régulièrement par les pouvoirs publics, ne sont clairement pas à la hauteur des besoins. En arrivant en Europe, et plus précisément en France (le « pays des droits de l’homme », comme beaucoup d’exilés le rappellent), ces derniers qui ont généralement connu des parcours de migration d’une violence inouïe, pensent pouvoir – enfin – vivre dans des conditions dignes. Au lieu de quoi, ils sont souvent traités sans aucun respect pour leurs droits les plus basiques (avoir un toit, manger à leur faim), quand ils ne sont pas simplement considérés comme des criminels.
Dans ce contexte où les pouvoirs publics cherchent à invisibiliser les exilés en les repoussant vers la périphérie, P’tits Déjs Solidaires est un repère dans Paris : les distributions ont lieu chaque jour au même endroit depuis plusieurs années. Des liens parfois étroits se sont noués avec des exilés, et certains sont devenus des « piliers » de l’organisation du collectif.
Par notre présence et l’hospitalité en acte qui est reconduite quotidiennement et toujours dans l’improvisation et la curiosité, nous ouvrons aussi cet espace-carrefour dans les jardins à d’autres intervenant·e·s dont une équipe d’infirmiers/ières psychiatriques, l’Armée du Salut, et pendant un temps les Médecins du Monde.
Nous côtoyons aussi, en voisin·e·s bienveillant·e·s, les équipes qui animent la Ferme d’espoir, une initiative urbaine qui accueille des animaux en refuge pour le plaisir et la découverte du quartier, en partie à travers des visites scolaires. Et le lieu de production théâtrale qu’est devenu le Grand Parquet, qui nous accueille aussi à son tour en ouvrant l’espace de son enceinte à nos activités.
Nous nous lançons aussi dans les aventures dansées, dites de la Permanence chorégraphique de la Chapelle, qui mènent des temps de danse autour des P’tits Déjs pendant une semaine par mois, apportant la joie, la musique, les rencontres qui tournent ce quartier très enclavé par sa pauvreté, résolument vers d’autres horizons relayés aussi par la Radio Raptz.
Sur place, tous les jours, même par temps de grand confinement, de pluie abondante et de froid qui tue, des gens de tous horizons se retrouvent aux P’tits Déjs pour échanger et se soutenir. C’est modeste, et essentiel : essentiel pour celles et ceux dans la plus grande vulnérabilité, essentiel pour celles et ceux qui refusent de se laisser sombrer dans la peur et souhaitent vivre dans un quartier d’accueil, essentiel pour aborder l’avenir avec optimisme malgré tout, persuadé· e· s que pour vivre, il faut vivre ensemble, en solidarité. En tant que « collectif » sans hiérarchie ni porte-paroles, les P’tits Déjs Solidaires fonctionnent par consensus et restent ouverts à toutes les propositions. Dans la mesure où aucune opposition ne se manifeste, le principe « celui qui veut faire quelque chose le fait » prime. Ce qui n’empêche pas d’avoir des temps réflexifs, lors des réunions mensuelles, ou dans des échanges informels.
Les P’tits Dej’s sur Facebook
Cagnotte des P’tits Dej’s sur HelloAsso