Rappelons que Les Communaux, historiquement, étaient des portions du territoire (pâturages, haies, bordures des chemins, mares, landes, rivières…) qui ne faisaient pas l’objet d’une codification par le droit en termes de propriété. Il faudrait plutôt parler d’un droit coutumier. Nous voyons par ailleurs émerger, depuis quelques années, un puissant courant d’études s’en inspirant pour réinventer le droit sous le signe de la coutume et des usages comme régulateur des formes de vie et de coproduction immanente de normes et de valeurs propres à la communauté.
Les communaux étaient donc des « lieux » définis par une imbrication d’usages disparates. On peut dire alors que le « commun » des communaux résulte d’une coexistence de pratiques. On connaît la suite avec le mouvement des enclosures… Il s’agit, d’une certaine manière, de réactiver cette histoire.
« Contre l’espace administré au service de la valeur, contre la gestion des ses marges et des formes d’inadaptation, contre les dépendances aux machineries de production capitaliste, mais aussi contre les scènes de la représentation politique qui nous absentent du monde, nous tentons de relier des manières de nous réapproprier nos rapports à des milieux de vie et des manières de les habiter. Il s’agit en dernier terme de susciter des alliances et des formes d’association. »
Pour Les Communaux, le travail d’enquête prend donc une place essentielle. L’un de ses membres a dit : enquêter c’est être attentif aux manières de singulariser des expériences situées. L’enquête prend sa consistance dans l’actualisation des liens avec d’autres expériences. Lorsque Les Communaux posent la question de ce qui se passe dans un « ailleurs », c’est parce que celui-ci est indissociable de notre « ici ». En ce sens l’enquêteur accepte de se laisser porter par une connaissance ambulatoire, toujours en train de se faire, dans un monde en patchwork dont il faut instaurer les passages.
Lors de la session à l’Université du bien commun, nous ferons état de la prolifération de formes d’autonomie comme autant d’expérimentations de nos interdépendances, de l’entraide et de solidarités qui constituent des résistances au contexte d’effondrements des milieux de vie et de l’implosion des institutions pastorales. Nous mettrons notamment en partage deux « situations » dans lesquelles se sont engagées nos enquêtes partagées :
- Celle de La Trame, un lieu d’accueil d’expériences de vulnérabilité chez des personnes ayant souvent traversé les univers de la psychiatrie et vivant dans des contextes de grande précarité. Ce lieu, très lié à des groupes d’entraide mutuelle, avec ses pratiques d’hospitalité, avec son insistance sur les passages entre des lieux, déjoue la malédiction du verrouillage entre savoirs et pouvoirs institutionnels. La Trame fait vivre des zones transitives de l’expérience, cultive une polyphonie de manières d’exister.
- Celle de La Fédération des Murs à Pêches à Montreuil, lieu qui sédimente une longue histoire d’usages et de résistances des terres urbaines. On explicitera la tentative en cours de formalisation d’une charte des usages partagés pour faire face à l’administration municipale qui vise la gestion de cet espace dans une logique patrimoniale.
Nous évoquerons encore diverses expériences d’hospitalité à l’égard des migrants comme antidote à la fascisation en cours. Mais aussi des agencements entre des lieux disparates, initiatives artistiques et institutions assistantielles, tentatives de relier des milieux urbains et la campagne en termes de subsistances.
Il nous apparaît précieux pour l’Université du bien commun d’explorer collectivement ces champs d’expériences de l’« en-commun ».
Interventions : Josep Rafanell i Orra (psychologue, écrivain, co-animateur des Communaux) et Samantha Lebrun (coordinatrice de la Fédération des Murs à Pêches de Montreuil). Session initiée et coordonnée par Claire Dehove de WOS/agence des hypothèses.
Nous nous retrouverons au tiers-lieu et bar/jardin de L’Éternel Solidaire (Paris XIXe), le samedi 12 février de 15h à 18h30. C’est accessible en métro et bus : de plus amples informations pratiques disponibles sur le site du lieu.
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